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e r
a vr i l 2 o 2 0

ce matin je suis sorti en direction de la poste
il y avait plein de monde dans les rues
les terrasses pleines
le marché battait le pouls des rues
hier encore languide
il y avait de grandes rondes de joies autour d’enfants en short
qui s‘en donnaient à corps-joua de sauter sur des tas de smart faune
ils chantaient à coeur joie leur hymne
cassé
cassé
plus de traces
on s’efface
on se trace
cassé cassez-les
les écrans enfadés
gps brisé
cours si tu veux nous attraper
on s’affiche
on s’en fiche
tu te casses
avec ta nasse
on est des poissons
pas des gibiers
cassé cassez-les
plus de traces
on s’efface
on se trace
la sécurité avait gagné sur la liberté
nos téléphones intelligent baptisés meilleurs délateurs du confinement moderne de l’année
les renseignements globaux de nos déplacements généraux et autres rencontres fortuites
sérendipité gangrenée
liberté retrouvée
ce matin
des tas de téléphones traqueurs explosés par nos mômes endiablés
nos mômes confiants déconfinés
cassons les généreusement par hasard objectif grand angle droit
déjà les cristaux liquides reculent
des cabines téléphoniques se rouvrent
des bambins grimpent aux arbres pour rétablir
des fils de liaison entre des continents singuliers
ces grands platanes peaux d’éléphants qui n’avaient pas bronchés
se retrouvent maintenant en ce jour de libation
des complices branchés
relais vivants des désirs de palabres
pour sûr qu’ils y mettent du leur
les conversations suintent quelques chose de photosynthétique
et les états pourléchés aux multinationales
ne comprennent plus notre langage fleuri au tanin gorgé de nids d’oiseaux
la mémoire stockée dans leur écorce
big dada d’une richesse inviolable
des terra nostra de mémoires vives à décoder secret
des parents confient leur bambin aux aïeux platannesques
à ces pachydermes du pavé
immobiles magnanimes
les même arbres qui serviront à pendre par un pied de nez
les grands méchants capitalistes les élus les millionnaires les marchands de cage à lapin
sinistre gouvernement comme dirait bobette
les même arbres sous lesquels seront discutées
les nouvelles complicités inter-espèces
érigées les nouvelles sentinelles
je marche médusé du retournement soudain
approchant de la poste
je distingue sur le mur du fond une grand fresque sur laquelle s’affairent des petits bonhommes gris leur cravate tombant dans les pots de peinture anthracite
ce qui les énerve beaucoup
il jurent dessous leur masque
la fresque s’alourdit
on y lit maintenant
POISSON D’AVRIL
POISSON D’AVRIL
un turbo souriant aux dents trop blanches
un poisson tête de mort rampe le long du mur
dans ma direction
la limace de la peur
le consentement froid et implacable de la sécurité
se décalque des vieilles pierres
dégouline lentement
suit la pente
suit le chenal creusé pendant ces derniers mois par notre consentement incrédule
épouse chaque pavé envoutant tous les interstices des racines des grands pères en sursis
le présent progresse
je file à la poste
c’est un poisson d’avril
c’est vrai qu’on a quitté mars
retour au jour d’huis
fait gris pas trop froid
les tilleuls sont en feuille derrière leur cage marron
ils poussent en silence leurs racines invisibles sous le bitume de la place
une dame quitte le petit bureau des dépôts avec un chariot pour porter son colis
interpelle la file trouée
il va falloir vous pousser j’ai une leucémie on peut pas se croiser …
les gens maugréent l’ambiance se tend en quelques regards rentrés
beaucoup de mots non dits
en plus j’ai même pas le droit au masque moi
je sais je suis une emmerdeuse
mon colis est un lettre recommandée
une amande de stationnement
qui date
on est décidément trop loin les uns des autres
pour se coller des poissons dans le dos
tant pis pour nous
on rigolera une prochaine fois
comme on l’a fait on chantant des chansons et des blagues et des farces ce matin

poissondavri
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a v r i l
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chapeau de paille
café trop clair
les platanes ont sorti des feuilles en une nuit
l’animal totem est tout ombragé
le printemps s’est glissé sur la place
deux feuilles dérogatoires en poches chacun
on est sorti
non mais
glané deux pieds de figuiers qui lézardaient entre les pierres chaudes
des boutures de succulentes dans les pentes du quartier haut
enfreint le code des confinés en poussant la porte d’un jardin
un entrelacs de terrasses
citronnade
sète est un crustacé somnolant dans le linceul d’un dimanche qui n’en finit pas
ça évoque vaguement les villages espagnols écrasés par la sieste
l’été
la cagne
la somnolence
la latence des rues
les façades muettes qui cachent la sévérité du travail obligatoire pour des tas de précaires
pas de héros que des prolos
comme ces nouveaux héros transnationals de la fraise garriguette
travaille ! on sait pas dans quelles conditions d’accueil ou de protection de tes droits mais travaille
« À tous les réfugiés : nous nous excusons de vous montrer de l’intérêt uniquement lorsque vous représentez une ressource »
les oiseaux ne volent pas aujourd’hui
en accord avec le vent qui a pris fin
le vent qui a poussé des rives orientales de la mer du milieu
des vagues à l’écume marron
l’eau semble haute
elle mange la cime des blocs bétonniais du brise lame
houle aux lèvres marrons
bisous de syrie de lesbos du liban de lampedusa
de palestine
des cris de la guerre des voisins
bande de gaza confinée violemment militairement
par des colons du quotidien
depuis 14 ans
gaza c’est
41km de long / plus de 2 millions de personnes
6 à 12 km de large / plus de 2 millions de personnes
bon
deux fois plus grand que l’ile d’oleron où vivent 100 fois moins d’habitantEs
arithmétique de confinement
les enfermés du cra de mesnil amelot à coté de paris sont en gréve de la faim depuis le 30 mars
ils demandent la libération immédiate de tout le monde
ils ont écrit un communiqué :
» Je vous écris au nom de tous les détenus du CRA2 du Mesnil-Amelot. On demande à la CIMADE ainsi qu’à toutes les associations de soutiens aux sans-papiers de nous défendre, de faire une demande auprès de la préfecture de la fermeture du CRA. On demande à l’ADE, l’association de défense des étrangers de nous défendre parce qu’on est jugé sans avocat, sans voir le juge. En fait on est jugé sans notre présence ou notre dossier.
A toutes ces associations: s’il vous plait, aidez nous. On a peur de la suite. «
Le numéro de la cabine de mesnil-melot pour joindre directement les prisonniers en grève de la faim c’est le 01.60.54.16.56
tu peux appeler et demander à quelqu’un si il veut causer
c’est comme un parloir mais téléphonique
vu que c’est interdit de voir les prisonniers les privant partout de ressource humaine et financière qui dans certaines prisons sont obligatoires si tu veux te soigner ou manger à ta faim
un camarade de Côte d’ivoire raconte ça à la voisine de la rue derrière :
En Abidjan c’est le couvre feu alors les gens ils circulent plus à partir de 20h la maladie c’est le soir quelle attaque !
Les gamins qui bravent l’interdit se font arrêter par les flics ils les obligent à s’embrasser le mec il film en criant « va y avec la langue » » vive le corona !! » tout ça c’est entre garçon bien sur. Apres ils les foutent en rang d’oignon et les obligent de baiser le sol, » baise le sol, baise le sol !!! »
Puis ça toune sur watsapp et ça fait marrer Solo, Ismaël, Daouda… Puis aprés ils se rendent compte que c’est vraiment dégueulasse …
Kéba du sénégal me dit ce matin :
la pénurie de poisson se fait sentir à Touba
dans les grandes ville on supporte mais par exemple à Dingueraye ( village peul au bord de la route en pleine brousse )
comme dans la plupart des villages qui s’approvisionnent en ville
ils soufrent les marchandises n’arrivent pas
des denrées comme le pain et sucre manquent énormément
un autre ami qui est confiné sur un bateau à Panama et
là bas
c’est l’alcool qui est interdit
mais heureusement on peut se baigner on a au moins ça
rentrer en avion ce serait pire
et puis c’est pas parce qu’on est chacune chez soi qu’on peut pas fêter au moins deux anniversaires ces jours-ci
les deux ans d’expulsion de la ZAD de notre dame des landes par les mêmes militaires, le même colonel à qui le gouvernement demande de gérer les gilets jaune la crise du virus
et les deux ans de la première marche pacifique du droit au retour des palestinien dans la zone dite tampon à la frontière avec israel

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a v r i l
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tiens j’ai daté du 4 l’autorisation du jour
dur dur de garder la perception calendaire
on est le 3 c’est toujours ça de gagné
encore valable la gribouille
ils sont quand même cons de pas poinçonner quand ils contrôlent
aller simple ticket non valide
après midi solaire au possible
brassée de noix et encre de sèche
les locaux regorgent de légumes
la paysanne amène ce que la raréfaction des marchés ne permet plus d’écouler
et tour à tour sans intermédiaires tu viens chercher ta cagette
c’est la saison qui a choisi tes légumes
pas toi
d’accord
mercredi jeannot a pas vendu grand chose
alors il te remplit la poche à raz bord
sinon ça finit aux poules
je me suis levé à 3 heures du matin pour ramasser et vendre
le seul paysan des halles quand même
le plus vieux aussi
il fait voir ses mains aux clients qui viennent pour ses légumes et pour le personnage
oh ça c’est pas du naturel peut être ?!
c’est étrange la circulation de l’espace confiné
à la maison on dirait que j’ai plus de vibrisses
la kinesphère en berne
chaque coin du mobilier coutumier est redouté par les protuberences
chaque ustensile est échappatoire potentiel pour le gauche manutentionnaire domestique que j’incarne
je me cogne partout
je comprends plus les contours du corps dans l’espace confiné
dans l’espace public c’est pas mieux
quand toute manifestation d’un peu de joyeuseté est suspecte
nous n’avions jamais porté le curseur de sécurité aussi loin
dans les halles par exemple ça aide pas à l’expansion
les barrières de CRS devant chaque étale
soit on transactionne derrière la barrière sus mentionnée
soit tu passes au devant de la barrière sus-sus mentionnée
et là tu peux toucher les légumes
on dirait que c’est un jeu pour les enfants qui passent leur permis de vélo
avec des couloirs des contre sens des sorties de file
des embouteillages des carrefours
des marquages au sol de toutes les couleurs
et les commerçant.es sont des génies civils
oh t’as pas du scotch pour le sol les clients m’ont tout embarqué
mais du coup les couloirs de circulation sont étroits au point qu’on passe presque pas à deux personnes
hyper proches
huuuuuuuu route de collision làaaaa
et si on cassait les parkings pour planter des radis
si on laissait les enfants jouer au ballon sur les places
les enfants
on dirait qu’ils sont encore à l’école
ils sont pas dans la rue
moins que les vieux
ils jouent le jeu
mais lequel ?
je les entends des fois en écho sur la colline
invisibles
d’ailleurs
comment garder la distance sociale avec les enfants des autres
ceux qui veulent monter sur tes genoux
ou te faire un câlin
comment tu les rassures
comment tu consoles un drôle qui est tombé sur les genoux
comment l’adulte qui devrait pouvoir respecter les règles de distanciation
du coude social
comment l’adulte il fait pas peser à l’enfant son éventuelle angoisse
sa responsabilité d’adulte elle consiste à prendre soin par le corps ou par la prévention des mots ?
recul
calcul
et si cet enfant est contagieux sainement
il est si mignon
mais il est tant
virus
vérolé
bubonique
mono nuclé ose
pieds mains bouche
vaste valse hésitation
allez viens ninou
il se love contre
je lui caresse sa tête chaude
tous les CDD renouvelables à l’infini
en ce moment des garderies maternelles
ne les renouvellent pas
vu que le salarié il est flexible
tout est prévu dans ce cas
tu re-signes pas chez nous
tu pointes au chômage
certains artisans hésitent à honorer leur commande
et oui comment va payer
le client si il peut plus travailler ?
après tout ça va falloir sérieusement penser à rassurer tout le monde
pas par de la compassion ou de l’héroisation
mais par de la solidarité de la justice sociale
l’avortement est ajourné
ce n’est pas prioritaire faut pas pousser
se rendre à l’étranger en clandestine ?
vous n’y pensez pas les frontières sont fermées
les enfants du printemps 2020 auront des super pouvoirs
on sait pas encore lesquels
ils regarderont le calendrier et hop se sera les vacances
mais les vraies vacances pas la télé-école
ils regarderont les flics et hop un champs de betterave
ils regarderont la mer et hop au fond des yeux
on va attendre de voir
en attendant de saisir l’ampleur de toutes ces contraintes
en attendant
comment on appellera cette génération
l’écho vide ?
ce soir les mouettes elles aboient en meute
je les aime bien

o4 a v r i L
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le printemps sert l’indocilité

pas de fête de l’indépendance au sénégale
c’est une première
ce sera à la télé
mon arbre c’est un néflier
c’est celui dans lequel j’ai passé le plus de temps dans ma vie
de la rue monte des bruits de vivants en trottinette
en charentaises feutrées
ils se déplacent et moulent accoustiquement
l’espace circulatoire
- papa papa regarde des mouettes
- bé quoi ?
- des mouettes
- bé oui et alors
- bé elles ont détruit la poubelle
est ce qu’avec le ramassage des poubelles poly quotidien
les terrasses vides les bateaux à quai
le gabian a-t-il moins à manger
un ami ornitho disait que dans les années 60 il était en voie de disparition
on les à tellement chassait au début du 2oième pour ses plumes et ses oeufs
au goéland argenté
et puis
parce que la société de consommation est généreuse en déchets organiques en sur-pêche en décharge à ciel ouvert
et que la chasse aux oeufs est maintenant en chocolat
il pullule désormais dans les villes
mais heureusement pour lui on peut lire que « Bon voilier et bon marcheur, le goéland est un omnivore opportuniste à tendance carnivore, qui n’hésite pas à devenir charognard, ou à pratiquer le cleptoparasitisme, voire le cannibalisme »
je ne me fais pas de soucis pour lui
bien qu’il soit notre voisin le plus proche
et qu’au danemark il est encore chassé
c’est bon
t’inquiète j’ai même pas de sarbacane
miaule en paix
et même si tu vis tes 20 ans ici
je te respecterai
n’empêche que ce matin
on y croit plus au confinement
la queue devant les halles
on se croirait presque un samedi
des tas de gens dans la rue
sur la place
y en avait même assis sur le banc
mais où va t on
vers le printemps
la sève nous rend indociles
amandoné ça va pas tenir
l’extérieur nous aguiche tous les jours
et la peur les violences la morosité
envahissent l’intérieur des maisons
dur dure de croire à l’invisible mort qui rode
à fukushima le gouvernement a dit depuis longtemps
c’est bon
« venez donc vous installez si vous êtes repartis
regardez ça fait 9 ans et toujours pas de cancers solides »
bé oui tu m’étonnes c’est entre 10 et 40 ans après la catastrophe
que ça se déclare
la catastrophe dans ton corps
mais alors derrière le rideau tiré
on se demande on conspire
si il est là
alors comment on l’évite
si c’est dans l’air l’écho-vide ?
avec des masques peut être
comme à honkong où il sont dehors avec des masques et plein de passants à se frotter dans la vie qui circule
tous les jours sur les trottoirs les boutiques
pas les écoles d’accord mais bon comme dit la taupe on peut pas les laisser tranquille un peu les enfants toujours apprendre apprendre
bon
alors on va trouver des machines à coudre
on va pousser les tables et les bancs
le four pizza éteint
et ça va s’activer
au moins ça fait moins de postillons quand tu rigoles
et on a moins l’impression de subir des décisions néo-libérales à la con et assumées
qui nous obligent au confinement et à sacrifier une partie des travailleurs et travailleurs sur l’autel du pib
alors t’en penses quoi ?
imagine si on te dit vas y tu peux sortir mais seulement avec ton masque
franchement
tu laisses de coté ton amour propre
et tu déambules comme un canard coloré de tasmanie ( ça existe pas )
tu vois plus rien dans tes lunettes à chaque expiration
mais au moins t’es au frais
au soleil
au dehors
j’ai essayé ce matin
très nette minorité de masqués
hélas c’est pas comme à carnaval
ici on peut te reconnaître
et tu peux avoir l’impression d’envoyer aux non masqués
un signe de peur
de jugement que tu ferais mieux qu’eux
de psychose
de contagieux
de con
de soucieux
de responsable
en tout cas de quelqu’un qui montre à son postillon défendant
que oui y a de la rumba dans l’air
la nuit est silencieuse
disons que c’est un silence épais
vibrant de colère
si jamais on change de monde après tout ça
va pas falloir oublier de changer de police
o 5 a v r i L
2 o 2 0
le tout petit bruit de la graine de tournesol qui se brise dans le bec de la tourterelle
des fois on oublierait pas un peu qu’un oiseau ça boit de l’eau aussi ?
une fois
en remontant la dite rampe des arabes
ce raidillon carrossable construit par des prisonniers pour la plupart algériens
condamnés aux travaux forcés et enfermés dans le fort st pierre
l’actuel theatre de la mer
butin colonial humain de la conquête que l’armée française a mené contre l’algérie au milieu du 19ème siècle
esclaves morts et enterrés ici au monument route de tous les jours
une fois
après avoir grimpé tout salé cette rampe
au pied du cimetière marin
écrasé en sandwich entre l’albédo zénitale et la réverbération bitumale
je rencontre un homme qui secoue la clenche d’une de nos rares fontaines publique
émerveillé il regarde le coulis translucide s’immiscer entre les graviers
mais m’sieur qu’est-ce que vous fabriquez là vous voyez pas que c’est la sécheresse partout ?
l’indignation du traitement réservé au fluide transparent oblitère ce qui se passe réellement
plusieurs oiseaux piaillent en contre bas de la rigole inespérée
d’autres volettent autour de l’avancée épiphanique
se rassasient le gosier de fraîcheur liquidescante
je leur donne à boire tous les jours
le soir aussi
personne ne pense que les oiseaux ils ont soifs
et là il faut il fait trop chaud
j’ai faillit manquer d’humilité en renchérissant que quand même l’évaporation maximale de ce partage de midi là heu …
je souris un peu revêche
puis remercie pour eux les buvants volants
et repart délesté de ma primo indignation
il ya une semaine on se téléphonait avec une connaissance nantaise qui racontait ce que c’était pour elle
d’exercer son métier d’éducatrice spécialisée en ce moment
L’ARS ( agence régionale de santé ) est le financeur et organisme de contrôle pour l’asso dans laquelle elle bosse
elle bosse dans un ITEP : institut thérapeutique éducatif et pédagogique qui accueille des enfants toute la journée
et le soir ils rentrent chez eux ou dans un foyer
tous les accueils de jours ont été fermés pour cause de haut virus
ce qui la prive ipso facto elle est ses collègues d’un lieu de travail
alors les enfants – quand c’est possible – sont renvoyés dans leurs familles respectives
la famille doit alors s’occuper H24 de leur enfant qui souffre de trouble du comportement plus ou moins grave
ainsi depuis le confinement domestique elle continue de soutenir par téléphone les familles et les enfants
et de se réunir en téléconférence avec l’équipe et de gérer l’administratif
elle continue à faire son métier en somme
mais l’ARS ne le voit pas comme ça
l’agence dit que ce n’est pas nécessaire de maintenir les salaires de l’équipe puisque ils ne sont plus sur place
mais si mais si on bosse et pas qu’un peu !
ah oui ? alors vous allez remplir à chaque coup de fil passé une fiche de renseignement des comptes rendu d’appels
autant dire du rien à voir avec le métier
autant de temps passer à paperasser
contrôler
mettre dans des cases un travail humain où le lien avec les familles et
les enfants ne s’exerce plus
et tout ça au profit d’un contrôle du salarié et d’économies budgétaire
bon
mais attend ça suffit pas
l’ARS aime pas le gaspillage
alors elle décide de réquisitionner les locaux de l’accueil de jour pour y mettre des enfants placés par la protection de l’enfance ( l’ASE )
que les foyers ne peuvent plus accueillir
et pourquoi les lieux de vie et autres foyers explosent au passage du covid et ne peuvent plus veiller sur ces enfants ?
et bien jusque là
ils passaient la journée à l’extérieur dans des institutions éducatives ou
spécialisées comme les ITEP
mais depuis 3 semaines
ils restent enfermés toute la journée avec des équipes malmenées par ce quotidien de taré de confiné et fragilisées soit par des arrêts maladies soit des arrêts garde d’enfants
faut leur faire faire les devoirs donc être un peu enseignant sans l’être
tout en étant pas trop sur leur dos mais un peu quand même pour le quotidien et il n’y a peu voire aucune protection de mise en place …
tu vois le mordage de queue dangereux ?
en bref
l’ARS veut ré-ouvrir les locaux de l’asso de la copine
afin d’accueillir un public d’enfant très fragile que l’équipe ne connait pas
sans protection aucune pour les travailleur.euses
et un masque par semaine par enfant
et là dessus l’agence régionale impose un planning de 12h de boulot par jour
bé oui oui d’accord
on va faire comme ça
les educs en question ont refusé de bosser toute la semaine dernière
notons qu’il y a pas mal de travailleurs social au chômage
que le département de loire atlantique ( animal féroce de la cote ouest )
pourrait embaucher
pour tenir tout ça debout vaille que vaille
non
la vision comptable religion d’état
plane très haut au-dessus de nos têtes
et les situations dangereuses pour les enfants
leur famille
et les travailleurs sociaux se multiplient
C’est le jeu de la carotte… tu veux ton salaire, va au charbon petit pigeon !
afffffffffaire à suivre
la nuit a laissé le chaud du soleil
sur le sol de la maison
demain est déjà en route

o 6 a v r i L
2 o 2 0
ça devait arriver
j’ai rêvé d’une chauve souris géante
rouge
improbable
elle me chahute avec sa tête de plusieurs animals
s’attarde sur un corps qui jonche le sol
c’est tout
ya des tigres de l’amour qui ont le virus au zoo du bronx
un chat en belgique
et deux chiens à hongkong
c’est tout
c’est pas grave pour nous il parait
et pour eux ?
tiens tiens le camarade Thermidore Rascasse
nous envoie des nouvelles de dedans sa tête dystopique
« Du sud c’était monté comme un souffle chaud
une ligne sous le puy de dôme
transversale tendue entre le forez et le fort boyard
ligne en dessous de laquelle des villes puis des départements et enfin un pan géographique entier
s’émancipa du reste du territoire
délesté du confinement
perplexes et curieux comme on peut être spectateur d’un règlement de compte le reste du pays avait attendu excité le désaveu étatique ou la répression policière ou les rétorsions financières sur les ménages
en vain
au bout d’une semaine de déconfinement auto proclamé le sud avait tenu sa distanciation sociale ou plutôt l’avait conquise.
Des frontières barbelées au sein même du territoire national
dont les plantons frontaliers avaient vite filés au sud
ces nouveaux transfuges marquant le coup de crasse pour le gouvernement
nul ne pourrait contenir cet élan héliotropique.
Une frontière fantôme traversait donc l’éxagone d’est en ouest
une partie du pays rentrait dans le refus du confinement comme on rentrait en clandestinité
opposait son refus de collaborer avec des politiques liberticides pour payer les pots cassés des politiques d’austérité
affirmait qu’une autre gestion de la panpandémie était possible
leurs profits ne seraient plus nos pertes
le sud était libre jusqu’à nouvel ordre.
Pour contre carrer l’attraction méridionale l’état ne pouvant plus compter sur ses fonctionnaires zélés enrôla de force tous les sans papiers qu’il avait sous la main
réflexe coloniale à peine enfoui sous une couche de résilience républicaine il n’avait qu’à se pencher sous les métros dans les squats les cada ou les foyers
dans la rue les rafles au faciès se révélaient de bien meilleures cueillettes de printemps que la récolte des impôts en toute saison
cette armée sous payée et attisée par l’espérance de régularisation s’est avérée assez efficace
du moins assez dissuasive pour éviter un nouvel assaut des parisiens par exemple
tous les faux sans logis de la zone déconfinée profitèrent de leur frilosité xénophobique soit un réel laisser passer pour squatter toutes les maisons secondaires du vaucluse de la cote d’azur du cap d’agde et autres parc naturel des cévennes
maisons immeubles cabanes de luxe piscine et confit de canard investi par des gens dans le besoin
en fait tout le monde avant désormais un toit.
Aux terrasses des cafés rouvertes on se marrait bien
évidement le flux de marchandises se raréfiait et de nouveaux circuits pétillant se mettaient en marche
on aurait plus de tulipes ni de hareng pour le moment
mais certains paysans des environs échangeaient volontiers de la bourrache contre une livre de baudroie
des comités populaires de quartiers se réunissaient deux fois par semaine pour gérer la vie quotidienne
et avec l’ingéniosité de quelques vigneronnes médecins kiné et autres garagistes pizzaiolo
des hôpitaux de campagnes ont ouverts
les bouteilles de plongées remaniées grâce aux conseils avisés de médecins cubains permirent d’intuber les plus fragiles
il y eut des morts mais pas plus qu’ailleurs
les masques fait maison fleurissaient sur les bouches et
les tables de restaurants avaient été rallongées pour se préserver des postillons.
Les recommandations anxiogènes des instances internationales personne ne les écoutait
quand la banque mondial et le FMI annoncèrent que la population devait se rende solidaire pour sauver le sytème capitaliste tout le monde retira son argent de la banque et on fit des barbecue.
Tout semblait aller dans un sens social libertaire et de solidarité mais à la fin du mois de juin le ciel commença à charrier ces boules mauves et sombres
la luminosité et la température chutèrent
et les chauves souris rouge établirent leurs premières colonies sur les dunes
dans les alcôves des cathédrales calcaires
sous les pavés et dans les terriers des agents immobiliers. »
à suivre

comme tous les soirs
c’est la nuit
la tourterelle a compris qu’il y avait ds graines de tournesol dans la gouttière
et de l’eau dans l’écuelle qui brille
simple
basic
déjà 20 soirs
si tu veux plus recevoir ces mots quotidiens tu me le dis je t’escampe de l’envoi
hein t’hésites pas surtout
franchement je comprends
il ya tellement de choses à lire déjà
bon
chou fleur ou foie de morue ?
o 7 a v r i L
2 0 2 o
est-ce qu’elle vraiment enviable la gestion de la crise à la coréenne ?
qui implique de traverser une vie ultra connectée où toutes les méta données amassées rendent
prédictif les comportements qui sortent du carde de quarantaine
caméra reconnaissant même tes grains de beauté
texto sur ton téléphone à l’approche d’un bâtiment où il y a des contaminés ou des risques de croiser des gens pas fréquentables
drônes aboyeurs
plus rien de farceur
business as usual
tant qu’on a encore le choix de pas prendre de téléphone sur nous
de le laisser à la maison
c’est pas encore interdit
pour l’instant
ici
on se dit qu’on va pas attendre le milliard de masque que l’état devrait envoyer
on constate que beaucoup de gens se sont construit les leurs
y en a de tous les styles de toutes les couleurs mais y’en a peu sur les bouches
on nous a prêté une machine à coudre mais on sait pas s’en servir
il y a 10000 tutoriels sur l’internet
et le gars du magasin de tissus nous ferait un prix sin on prend 50m de toile cirée
ça fait beaucoup non ?
heureusement une voisine descend nous montrer son modele qu’elle a amélioré à chaque essai
toute en découvrant la machine qui rutile sur la table de la pizzeria elle raconte
mes voisins d’en dessous je leur en fait 4
ils voulaient me payer j’ai dit non mais ça va pas
vous me ferez un gâteau
plus tard je la recroise devant une boite au lettre
carrément elle glisse des masque dans des enveloppes pour des amies qui savent pas en faire
au balayeur en gilet jaune
au balayeur en gilet jaune
vous avez pas de masque ?
on nous en donne pas
ma femme elle en fait à la maison mais j’aime pas en porter c’est quand même plus propre que d’habitude dans les rues
du coups vous continuez le nettoyage des rues normalement et le produit que les camions ils passent là c’est pour désinfecter ?
non c’est de l’eau on pas le droit aux produits à cause de l’étang de la pêche tout ça
en belgique
dans les centres fermés qui sont ’équivalant des CRA français en France
les conditions d’hygiène et la répression sont effrayantes
voici un témoignage recueillit par le collectif getting the voice out
» La grève a débuté à l’étage du bloc 3. Il y a deux semaines, les gens de cet étage ont commencé une manifestation, après le repas, et ont crié qu’ils refusaient de réintégrer, à la fin de la promenade, à cause du coronavirus. Tout le monde criait en solidarité en bas, mais ils n’ont pas fait de grève. La police est venue, 6 personnes de l’étage ont été mises au cachot et 4 personnes d’en bas aussi, pour plusieurs jours. On ne s’était pas battu et on n’avait touché personne… »
le collectif rajoute à ce témoignage du 1er avril :
« À travers le système d’enfermement et de frontières, les sociétés occidentales capitalistes hiérarchisent les êtres humains. Il y a ceux qui peuvent avoir accès à certains territoires et ceux qui ne peuvent pas. La (non)gestion de l’épidémie du coronavirus en centre fermé redouble cette hiérarchisation. Il y aurait celles-eux qui mériteraient que l’on prenne soin de leurs vies et… les autres… les détenus de tout ordre (prisons, centres fermés, hôpitaux psychiatriques, ouvriers des usines…), les improductifs de la société, utilisables (comme le montre l’appel à des personnes sans papiers ou des personnes détenues à moindre coût pour faire des masques…) puis jetables… »
confinement dans le confinement
cette violence invisibilisée contre des personnes pour la plupart issues des anciennes colonies sur lesquelles nos pays riches ont construit note monde et continue de prospérer
cette violence quotidienne et institutionnalisée résonne pour moi avec ce que Malcom Ferdinand dans son Ecologie décoloniale relate à propos du cyclone qui s’abat sur la nouvelle orléans en aout 2005 et dont la population noire et pauvre qui habite sous le niveau de la mer souffrira le plus
« (…) Le 31 aout les nationals guards mirent du barbelé autour du Superdome afin de se protéger de ces réfugiés tout en les parquant à l’intérieur. En l’espace de quelques jours, Katrina reproduit à partir du Superdome le dispositif de la cale d’un navire négrier. »

o 8 a v r i L
2 0 2 o
t’as vu mon épée c’est à un pirate et là c’est un requin crochet
tu l’as trouvé où cette épée
au parc
quoi quel parc ?
bé le parc là
il désigne la place au kiosque
où les tilleuls en cage fourmillent de feuilles
ah c’est ça ton parc …
peuchère
non mais les enfants ils sont dingues non
ils te parlent comme ça sans limite
même pas on se connaît
tu te prends son univers en pleine imaginaire
et y a pas de filtre
il te raconte
et tu suis
avec les précautions d’état
qui souvent suivent la capacité de celui ci à obtenir du matériel de protection
tu verras que quand ils en auront des masques il deviendra obligatoire de se couvrir les 2/3 du visage avec
en attenant c’est du « en même temps »
tout sauf honnête
la production industrielle de matériel de soin précède le discours de prévention
celui s’adapte au matériel en stock
et nous on slalome à vue
amputé de notre instinct de poisson cloune
une question me taraude
avec les précautions du contrôle des corps
est-ce que ce sera en corps possible de se rassembler
coté à coté pour assister à un spectacle vivant ?
je veux dire
soit
il va falloir des salles immenses pour qu’un public
à la jauge pas élevée puisse
être là
ensemble
au même endroit
en même temps
et conserver les distances obligées
20 personnes distanciées du 1,5 mètre régimentaire
ça fait une zénith ça
un opéra de campagne pour la moindre performance en espace public
alors quoi
les places vont être très chères
les places vont être très chères aussi
ou alors
s’en est fini du spectacle vivant pour les humains !?
c’est vrai que si tu danses ou joue ton monologue dans une foret
la concentration en être vivant sera totalement augmenté
mais t’attends pas à être applaudit comme t’en as l’habitude
ni d’ailleurs à être payé en argent
finalement les youtubeurs sont l’avant garde de la culture
la horde virtuelle aux trousses du confinement
la trousse de secours de la raison d’état
les écrans télé vont détrôner les bêtes de scènes et
la télé commande les cabotinEs

o 9 a v r i L
2 0 2 o
mais pour quoi les mouettes
qui sont des goélands
des fois
elles se mettent à manifester en volutes au dessus des maisons
comme si elles trouvaient une charogne une chocolatine un poupon
un butin à célébrer ?
ça durent moment en plus
on dirait qu’elles s’en vont dans tous les sens
la pagaille mais non
elle explorent un périmètre en 3 dimensions
et gueulent
depuis hier les bains publics de sète sont gratuits pour les gens à la rue
bé quad même il était temps
le service associatif d’urgence ayant fermé ses portes depuis 3 semaines
y avait plus de quoi prendre une douche en ville
fallait monter pas mal dans la colline à l’auberge de jeunesse
qui pour la plupart d’entre eux
équivaut à « la taule »
c’est une quarantaine nourrit logé avec un planton pour surveiller les sorties
ça convient pas à tout le monde
hier un gars avec son chien disait
suis mieux dehors
ça sert à quoi de nous dire de bosser si on doit fermer à 21h
nous les commandes démarrent à partir de 20h30
alors une demie heure pour bosser ça sert à rien
le jeune lui
fait des aller retour sur son scooter électrique rouge
véloce et précis il sillonne les quais vides et livre des pizzas cuitent au feu de bois
et oui c’est le couvre feu
allez on rentre
une bonne excuse sur les bras
en passant une vieille dame
mise en plie et robe de chambre
nous demande du haut de son balcon
- c’est 8 heure non ?
- heu oui à peu prés … t’as vu elle a une montre pourtant …
on avait pas compris
mais elle guettait l’heure des applauses
les pizzas au chaud toujours sur les avant bras
c’est drôle de se retrouver en bas des fenêtres
au pieds des balcons achtague expressifs
comme des piaillement d’oiseaux tous différents
et pas ensemble
annonçant mollement la venue de quelque événement indescriptible
un rendez vous semble t il
la veille dame tape fort dans ses paumes de mains
et presque seule dans sa rue
à la tête hirsute de certaines connaissances entr’aperçut
je doit reconnaître le rôle de maintien de l’ordre
des coiffeuses
en temps normal

bon ça y est
ça caille
je vais aller voir coté hublot si la lune
se lève
et toi t’es où ?
1 o a v r i L
2 o 2 0
la route serpente entre les marais
les bas cotés
sont peuplés de coquelicots et de flamands roses
nommer les phénomènes météorologiques
celui ci pourrait s’appeler
vague de nuage de basse altitude ou tsunamis vaporeux
mais non
ici on dit une entrée maritime
sous un ciel limpide bleu
le pistolet en main de la pompe à gazoil
un regard vers le port un peu caché suffit à noter le changement de consistance de l’air et de la lumière
quelque chose se passe et arrive de la mer
le corps arrêté des grues se fait dévorer par une vague nuageuse et fraiche
bientôt elle enveloppe la ville entière et la perte de visibilité est énorme
voilà
c’est une entrée maritime
c’est doux froid et inexorable
ça vient comme un mur depuis les tréfonds de l’horizon
en revenant sur sete l’air est encore chargé des particules d’eau qui nimbent tout
le soleil bien présent derrière tout ça
les barrières automatiques du pont tournant qui marque une des entrés sur l’ile ville
se ferment devant la voiture
trop bien un répit gratuit
éteindre le moteur
sauter sur la rambarde du pont pour essayer de photographier la cime de ces grues industrielles
seule partie encore intacte sous le coulis de nuage
les barrières sont fermées mais le pont ne tourne pas
un bateau de petit métier fait des ronds dans l’eau coincé entre un catamaran de course et le sans-souci star de patrick bruel
paquebot nain à quai boucheur de vue qui fait râler les voisins
l’équipage pecheur attend pour sortir plus au large
le pont ne tourne pas
les piétons passent quand même sous les barrières
amusés ou inquiets de cet étrange phénomène
temps volé à la mécanique de la circulation routière et maritime
sète est une ile
3 routes permettent d’y entrer et d’en sortir
et le jour où le maire et le préfet voudrons nous y cloitrer pour qu’on s’immunises entre nous
genre la peste de marseille
ce sera facile ya qu’à couler les ponts
ce soir depuis 18h l’axe de la pointe courte est coupé
avec des plots énormes en béton au milieu de la route
le prétexte avancé est préventif
trop de touristes débarqués pour les vacances
dénoncés par des voisins épiant les plaques minéralogiques
épaulés par le services des urgences qui ont remarqué des cartes vitales non locales le maire à ajouté ça au couvre feu
zéle électoral
oh oui restons les uns sur les autres mais rouvrons les bars au moins !!!
bon
sur le pont tournant qui ne tourne pas
une salarié de liddl n’ose pas passer
je suis peureuse
ça va au magasin ?
ça dépend quand le vigile fait sa pause cigarette les clients entrent comme si de rien n’était et là on est dépassés mais on est bien protégées sinon
dans l’auto aux sièges abattus
les caisses de légumes sont en train de prendre le chaud
et les copains attendent pour constituer les paniers commandés
circuit court
petite marge dégagée pour les producteurs
et des familles en difficulté
le pont ne tourne pas un pêcheur débauche en moto et sous un casque en cuir raconte que le pont doit déconner
que deux de leur chalutiers en ce moment ne sortent pas mais les autres si
la criée fonctionne mais ce sont les mareyeurs qui sont absents
le prix du poissons se casse la gueule
mais les pêcheurs vous savez hein si on les laisse sortir en mer
ils vont sortir même si y a pas grand chose
remarque si on les laisse tranquille les poissons
ils n’en seraient que plus gros et ça c’est bon non
pour le commerce ?
pas comme les huitres …
une huitre si elle fait pas la maille
si elle devient trop grosse elle est moins attractive pour les clients consommateurs
en ce moments dans le bassin de marennes oléron les ostréiculteurs les remettent à l’eau vive
parce qu’il y a moins de débouché
moins de commerce
résultats elles continuent à pousser de plus belle
à la fin du confinnage elle seront tellement affinées
qu’elles ne seront plus vendables ou alors pas chères
et dire que du temps de l’empire romain on laissait les huitres grossir en sabots
tellement grosses qu’une famille entière mangeait dessus
tout ça
ça parle de perte des resources financières
basées sur l’exploitation des ressources vivantes telles que la société de consommation les a façonné et nous les a fait aimer
les huitres c’est toute l’année que ça pousse fada !
pas seulement les moi en dre ou à noel
merdre
en tout cas chez pas mal d’éleveurs producteurs ou autres personnes commercialisant des ressources ou même vendant leur savoir faire force de travail
ostéo coiffeurs resto paysans de la terre ou de la mer artistes libraires etc
avec quel l’argent payer les loyers par exemple ?
si on loupe le coche offert par le corona pour abolir l’argent va falloir se serrer les coudes
et parer au plus urgent « (…) comme la pression pour une grève générale des loyers qui vient d’Espagne où environ deux cents collectifs et syndicats de locataires ont répondu à l’appel à la grève, de Madrid à Majorque, de Guadalajara à Barcelone. Il faut dire que la portée symbolique de la huelga de alquileres y est sans égale. C’est lors de la grève des loyers de 1931 que des structures d’autodéfense de quartier sont nées, organisations qui, plus tard, ont participé à empêcher à la lutte contre Franco. Connaissant le précédent, il n’est pas surprenant que les grands propriétaires immobiliers aient déjà commencé à s’organiser. »
au moins engager un discours avec son ou sa propio
et pas de quartier avec ceux qui font de l’argent avec la propriété privée car pas mal de loyers tombent entre les mains de gens qui n’en ont pas besoin pour vivre

la colline est rose
les blettes au chaud
et les grues prennent la nuit dans la gueule
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« Expulser les immigrés sans-papiers coûte très cher à l’État. Selon un rapport parlementaire de la mission immigration relayé par Le Parisien, la reconduite à la frontière des étrangers en situation irrégulière en France a coûté 500 millions d’euros à l’État en 2018. »
c’est pas moi qui le dit c’est un journal de droite
ça fait plusieurs fois qu’on se fait survoler par des hélicos en pleine ville
et on a tous entendu que les mouettes étaient chassées par des drônes bleu marine le long du littorale
en bord de mer ça bourdonne et ça disperse
la crème solaire devra attendre
les hélices de la gendarmerie volent pour 1400 euros de l’heure
ça fait cher le baptême d’hélico
1400 euros de l’heure ça en fait des masques et de l’argent pour la recherche ou des salaires pour les infirmières
ah
c’est facile de taper sur celles et ceux qui nous protège franchement bravo
tout ce fric public pour réprimer surveiller
dénoncer intimider humilier
dissuader contrôler
alors que tout ce fric pourrait servir
à planter reconstruire soutenir
loger nourrir dépister masquer
protéger créer consolider mettre à l’abris
à marseilles quartier nord les travailleurs d’un makdo ont réquisitionné leur lieu de travail
pour faire de la distribution de colis
ici
en plein découpage de toile cirée
après en avoir préparé prés de 400
le camarade lâche
peut être qu’on ira en prison à cause de ces masques
pffft tu parles tu veux dire qu’on sait jamais si un jour on nous taxera pas de fous dangereux et de contrebandiers d’avoir fait des masques en toile cirée ? ça va on est pas aux zétazuni quand même …
en attendant pas mal de couturières et couseurs ont joué le jeu et sont reparti avec leurs bouts prédécoupés à coudre à la maison
lundi ça fera peut être 300 masques aux motifs fleuris
dont 200 pour les gens de la santé
cette histoire ça mobilise pas mal de monde
beaucoup de gens s’y sont mis de leur coté
et ça sonne comme une évidence pour elles
malgré la crainte du contrôle toujours
j’écris quoi sur la dérogation pour venir chercher les tissus ?
heu … besoin de premier nécessité
reste que personnes peut plus aller visiter
les vieux
les fous
les prisonniers
pas d’aides extérieurs des familles des potes
pas de cantine
c’est à dire que les menues choses de la vie pour la rendre plus acceptable
ne parviennent plus aux résidents des zépad
des zopito psy
ni en prison ou aux cra
clopes
nourriture
thune
d’ailleurs reste encore 152 retenu.es toujours séquestré.es dans les centres de rétentions en france
des personnes lors de leur libération se voient remettre en main propre une obligation à quitter le territoire sous 7 jours
un asso porte plainte contre le cra de vincennes qui n’a pas réussit cette fois
à cacher un cas patenté de covid 19 qui a atteint un ressortissant géorgien de 65 ans
il se voyait mourir alors la police au frontière qui joue le rôle de gardien
en italie ce sont des militaires
la police donc l’a mise en quarantaine
l’a placé en garde à vue et au bout du bout
à l’hôpital
on sait qu’après une grosse vague de libération courant mars
certains CRA se remplissent même ces derniers temps
au Mesnil-Amelot une dizaine de personne arrive chaque jour
du coup le bâtiment 12 à été rouvert
et ils sont maintenant de nouveaux à 3 ou 4 par chambre
à Vincennes chaque jour il y a désormais plus d’arrivées que de libérations
concentrer la misère et le virus ça c’est la politique sanitaire
et raciste du gouvernement

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on a de la chance ce soir
des enfants s’en donnent à corps joie
jeux de ballon dans la rue
y en a un qui se vante
- j’ai cassé une vitrine
oh oui vas y
même si il ya plus de pigeon enfermé chez séphora vas y
y a encore plein de crottes partout derrière la vitrine qui reste allumée toute la nuit
ça dérange que moi ces lumières supplémentaires ?
ça rassure le passant invisible
le passant témoin
la passant muet
pas facile d’éviter le scandale en ce moment
où qu’on regarde de nombreux côtés
ce qui revient sonne mal
dans une cité des Yvelines une enfant de 5 ans se prend une balle de LBD40 en pleine tête
balle perdue
hier à angoulème un jeune pour échapper à la police alors qu’il n’avait rien à se reprocher se noie dans la charente
à beziers un jeune de 34 ans père de trois enfants sort après le couvre feu et se fait tuer par la police municipale
c’est le 3eme mort cette semaine lors d’une interpellation
vies perdues
parler de bavure c’est comme si ça arrivait jamais comme si un enfant qui apprend à écrire oublie son buvard et fait une tache d’encre
ce ne sont plus des taches
ça n’en a jamais été
ce sont des crimes politiques des meurtres par un corps légal de l’état
sur-armé
sur-protégé
sur-valorisé
cette âpreme en découpant des patrons de tissus pour les masques
la dame qui va s’occuper de les livrer dispose d’un bon réseau chez les
soignants mais pas que
elle me monte fièrement les policiers à qui elle en a donné
ils posent en levant le pouce
la dérive humanitaire ou le serment d’hypocrite
ça commence à rouméguer de tous les cotés là
la pression pousse les murs de chez les gens
même à la campagne la restriction devient élastique
une amie me dit qu’on entend les voitures rouler la nuit
ce midi alors que le crustacé sétois sort difficilement de son nuage
entrées maritimes
régalade printanière à flanc de colline
lente ondulation
boules de poil agrippé sur sa branche
un mammifère à longue queue engloutit force noisettes sous les feuilles
purpurines de l’arbre de judée
tu sais celui où judas s’est pendu dans un roman connu
aujourd’hui qui trahit qui ?
en bas dans la ville
derrière les grilles vertes closes du parc
les fleurs du même arbre hermaphrodite tapissent le sol
elles portent l‘ombre du tronc tortueux
quand les parcs laisseront rentrer les humains
il y aura tellement de feuilles et de fleurs
qu’on ne verra plus les chevreuils sauter par dessus les branches basses
en bas dans la ville
deux amies se sont retrouvées sous un oranger
elles ont fait gaffe comme c’est pas permis
mais la chaleur qu’elles ont échangées
reste là ce soir comme une petit trésor joufflue

alors t’as fait la fête hier soir ?
tu sais nous on a un concert chaque soir hier elle a ravagé les clash ottis redding et régulièrement on a le droit à mistral gagnant
que demande le peuple ?
1 3
A v r i l
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parait il
ce soir parait
que ce soir
plait il ?
parait que ce soir ya quelqu’un qui parle
quelque choses qu’on devrait
entendre
écouter
recevoir sans attendre
sans retour à l’envoyeur
ce matin on a chanté pour notre bébé
et regardé la pluie tomber
d’ici c’est moins brutal de recevoir la pluie
ça enlève l’épine du printemps dans le pied
en ce moment même
la révolte du désespoir gronde dans les centres de rétentions
plus que d’habitude peut être
les enfermés clament qu’ils ne veulent pas se faire entre-tuer par un virus
entre tuer par l’état et la justice qui les maintiennent en confinement
longue discussion avec une avocate tout à l’heure
les référés au conseil d’état reste leur dernier recours de contestation
mais c’est LOoooNG
la justice est longue
certains vont mourrir de faim avant d’être contaminés
partout où on ne peut plus sortir pour faire des courses
et d’autres vont mourrir du covid tout court
par maintient en rétention administrative ou en prison
mort du virus par décision administrative
mais
puisque les frontières sont fermées ces gens NE PEUVENT PAS
être renvoyé « chez eux »
alors ça signifie quoi de les maintenir confiné à disposition d’un renvoi
impossible ?
en prison les femmes ont pas attendue tout ça pour continuer à souffrir d’un sexisme structurel
ça s’appelle entre autre la précarité menstruelle ça veut dire qu’avoir ses règles en prison ou en rétention
c’est compliqué à cause du manque de serviettes hygiénique
et le prix exorbitant de celles ci
si pas moyen de cantiner ça devient très dur de s’en procurer
« l’augmentation des prix oscille entre 94 % et 289 % par rapport au prix du marché alors même que les détenues sont toujours dans des situations
financières précaires. »
la marge sur l’hygiène des femmes c’est l’institution pénitentiaire qui se la met en poche
même avec les fenêtres fermées
on a compris qu’on en prenait pour un mois de plus
et que les dirigeant.es craignent la colère des gens
brrr la colère collective
un tour de vis supplémentaire
et continuer à miser sur notre dépendance à la sécurité technologiques plutôt qu’avancer des réponses sociales
je suis trop impatient
voyons c’est une histoire de priorité
que font les fans de football
ils se repassent les matchs déjà joué ?
que font les fans de concerts et de spectacles
ils se repassent les concerts et les spectacles déjà joué?
à quoi bon nous libérer si nous faisons de notre société une vaste prison ?

j’adore la vie
j’espère que toi aussi
on mange plein de radis et des fraises
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qu’est-ce qu’il a pu bien se passer cette nuit
pour qu’aujourd’hui les rues se peuplent à nouveau
une journée de pluie fériée et de discours à la télé
et hop nous voilà toutes et tous dehors
j’aurais peut être du écouter le poste hier soir alors
ces rues vides ça laisse beaucoup d’espace aux enfants
qui apprennent à faire du vélo sans petites roues
et du roller à 4 de roues
ce matin
une jeune femme chef de service d’une grosse maison de l’enfance vient chercher prés de 200 masques
le département organisme financier et de contrôle
les enjoint à travailler protégé.es et leur a fournit 50 masque en tout et pour tout
alors que la consigne est d’en avoir 2 par éducs
et par jour ça colle pas
ils sont une centaine de salariées
la moitié est en congé maladie ou congé garde d’enfant
alors pour éviter une désertion totale de ses rangs elle à mobilisé son réseau comme elle dit
elle craint aussi pour l’après
comment s’entendront ceux qui sont venus au travail
avec ceux qui n’y sont pas venus
fracture amplifiée par le virus
le rapport de chacun au travail
cou de fil à la cabine téléphonique du CRA de rouen
un homme répond
je suis portugais
j’ai pas à me justifier j’ai jamais eu de passeport puisque je suis européen
il m’ont transporté de force depuis le cra de mesnil amelot menotté toute la journée
avec moi j’ai aucune de mes affaires j’ai tout là bas mes papiers aussi
ici y a pas d’eau froide et ils veulent pas nous donner à boire
et ils nous privent de promenade si on veut pas manger
on est 12 et y’en a 10 en gréve de la faim moi je mange pas depuis vendredi
j’ai pas peur de tout raconter je suis dans mon droit
c’est pour se venger qu’il m’ont changé de centre
parce que je parle aux journalistes et je réponds aux questions
ça va faire boule de neige et tôt ou tard ce sera trop tard

ce soir
il fait quoi
25 degrés
la lumière descend la colline à cheval sur les milliards de moucherons
de sortie eux aussi
il est ra’ntré l’enfffoiré ! il est raan’tré vit’ ! !
l’homme court derrière son chat
chaque soir il le promène dans la rue
tu sais c’est le chat épais et gris qui monte sur le toit parfois et
s’introduit chez nous par les hublots
caleçon rouge
robe de chambre vert pomme
chacun sur leur balcon
elle a une casserole à la main
et lui va chercher un drapeau français
ah
plus haut dans cette rue en pente
ils s’interpellent de façade en façade
oh sarah !! c’est l’heure
un couple interrompt sa partie de fléchette et sort sur le trottoir souffler des bulles de savons
chaque quartier son espièglerie
un hélico traverse le soir
pourtant il reste 4 minutes avant le couvre feu
comme si on pouvait couvrir
le feu

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radis par bouquets entiers
déchets de poisson dans un cadis
à l’ombre d‘un olivier en pot
des ami.es chilien.nes confiné.es volontaires chez eux
les frontières physiques se resserrent
de plus en plus prés de chez soi
le cameroun consacre 24 %de ses recettes au service de la dette
contre 7 % à la santé
notre président startupper recule déjà depuis sa magnanimité
éléctoralo-coloniale télévisuelle :
« finalement bé la dette on va voir ça plus tard avec mes potes du G2o
ok l’Afrique ? »
dans de nombreux pays on trouve le virus là où on trouve l’argent
l’agent pathogène rapporté par l’argent patenté
symptômes des classes supérieures qui peuvent voyager
et qui ont continué à se frotter au monde extérieur
puis ils rentrent au pays et contaminent les confiné.es d’une autre nature
sociale
celles et ceux pour qui voyager ne veut rien dire
hormis l’exil
et si pendant 10 ans les frontières internationales étaient toutes fermées
pour les humains bien sur
pas pour la reine des reines marchandise
closes
coupées comme l’avait été l’allemagne de l’est pendant 40 ans
puis bradée en une nuit
détruire un pays sa culture ses institutions ses chercheurs et sa monnaie
feu de paille sur le bucher des privatisations manigancées par l’ouest
oh je croyais que c’était une blague
j’entendais : y a la queue jusqu’en bas de la rue au bureau de tabac
moi je continuais y avait du monde mais qu’est-ce que vous voulez moi j’aime bien parler aux gens
prendre le temps
ça ressemblerait à quoi si je faisais comme tout le monde
les autres des halles ils me disent va plus vite fais toi aider
mais ho j’ai dormi que 3 heures cette nuit pour tout ramasser
et je dois encore planter les melons avant la pluie sinon après ce sera trop tard
oh même le maire est venue me dire de faire quelque chose sinon les halles ça va fermer
mais il me respecte le maire il a dit c’est pas mes affaires
et oui peuchère si tout le monde attend devant mes légumes les autres ils peuvent pas rentrer faire leur course
hé hé la queue jusqu’au tabaris en bas ! …
c’est pas arrivé souvent d’écouter la radio nationale pour le journal
ce journal qui rassemble depuis un mois deux rédactions en une pour cause d’écho vide
cette direction de radiofrance qui rétrécit le nombre de salarié.es
ainsi que le spectre analytique et critique
en optant pour l’équipe la plus consensuelle des radios publiques
mais là écoutant tout en passant la toile partout
car je crois que le chat du toit est rentré pisser quelque part chez nous pendant la sieste
écoutant j’ai cru que ces informations radiophoniques ne m’énerveraient peut être pas
et j’entends la longue et belle liste des travailleurs et travailleuses qui auront le droit au 15oo balles de bonus
pour avoir trimé avec ou sans masque
tentative d’acheter la paix sociale
d’éteindre le feu comme en décembre 2018 pendant les gilets jaune
à coup d’argent
pansement sur jambe de bois
en tout cas j’entends pas que sera pris en compte tout le monde
y en a par exemple dont on entend moins parler dans les grands médias
les agents d’entretien comme on dit
la plupart du temp des femmes et des personnes racisées
employées précaires et non protégées par leur direction contre l’infection
nettoyeurs de poignées de portes de chiottes de lits d’hôpitaux ou de bureaux des dirigeants
dommage
radio nationale haut parleur de grande audience
crieur de salon pour le gouvernement
tu oublies un pan entier de ta tranquillité
si ces travailleurs invisibles ne font pas le ménage dans le studio demain matin
tu seras content ?
j’ai peut être mal entendu
mais ce que je retiens c’est que ce ne sera jamais assez
la colère n’as pas achetable quand elle est collective
en tout cas pas à coup de bonus en euros
salaire de quarantaine ça te parle ça ?
bon
je me rends compte que ma perception de tout les jours
est disons heu socio politique
mais la réalité du virus
elle est aussi d’une autre nature
invisible et palpable
la voisine d’en face de notre amie
elle est morte en 3 jours
comme ça du virus
son mari n’a pas pu l’enterrer
on n’enterre plus nos mort.es
ça c’est de l’anthropologie de base
et la base vacille quand une société se dédie toute entière à la guérison scientifique
il ya d’autres couches à célébrer à entretenir
et qui participent oh combien à la guérison
la gravité
est un millefeuille
à la garniture douce
amère

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A v r i l
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un ami chilien :
comme on dit ici
ce que pinochet n’a pas pu le covid l’a fait
adios
luis sepulveda
réaliste merveilleux
vu une abeille morte dans la chambre de l’enfant
vu des asphodèles derrière la 4 voie
vu des tamaris en fleurs et un champs de coquelicots
sous un échangeur à 6 voies
aperçu des glycines monumentales sur le pont de l’autoroute
vu une colombe blanche sur les petites tuiles ce matin
vu les cheveux blancs sur la tête d’un flic
vu à la jumelle un pinson d’un jaune indescriptible et
fier comme une arbalète
lu que le gouvernement a acheté pour 3,6 millions hors taxes
de gaz lacrymogène dispersant
entendu : le 11 ça va être la fête on se retrouve pour l’apéro chez toi … et puis même avant si tu veux moi je l’ai fait déjà
vu un bouquet de genet arraché à la corniche
entendu : putain hier soir c’était triste ce que t’as écrit
lu qu’une dizaine d’état américain dit de la ceinture biblique
ont suspendu l’avortement
lu que l’argentine a mis un numéro whatsapp en place pour les femmes qui veulent se sortir d’un confinement d’avec un homme dangereux
pour leur vie et celle de leur enfant
vu encore que les gens sortent dans le printemps de la rue
vu que la bielorussie est un des trois pays qui nient l’existence du kovide
entendu des grands goélands cogner comme des sourds sur la fenêtre
avec leur puissant bec jaune
vu en rêve une cohorte de jeunes bohèmes courant en grappe
et vêtus de crinoline bon marché
entendu que mettre au monde un enfant c’est comme une danse
me reviennent les mains de mon père sur mon visage d’enfant
des mains un peu rêches et toujours tièdes
une sensation d’emmitouflé

17 avril
fatigué par la lecture les yeux voient troubles de plus en plus
pas étonné que les groupes medicis Publicis, Vivendi, Michelin ou Capgemini paieront des dividendes mirobolants à leurs actionnaire et profiteront du chômage partiel
enjoué que tous le tissu pour les masques soit désormais coupé par la
machine à couper les tissus chez une commerçante de la rue
rassuré par l’envie de certaines de coudre les masques et d’autres
à en découdre avec gouvernement
pénétré par l’humidité d’une journée sans soleil et par la bonne humeur des camarades que je croise dans les rues
inquiété par la politique très conciliante du préfet de paris envers une messe de catholiques d’extrême droite en plein paris au regard de la répression dans les quartiers populaires
stimulé par une salade de carottes molles et sucrées
reconnaissant que les tourterelles aient compris que la boule grisâtre
et indurée sur le clou est à manger
touché de ne pas être touché.es par les corps des ami.es
touché par les yeux au dessus des masques

amusé par la fourberie de la voisine qui offre un panier de légume à son amie me demandant de le lui livrer tout en m’assurant qu’elle habite au début de la grande rue haute alors que c’est bien bien au milieu
désabusé par les mensonges d’état
abusé par les mensonges d’état
remonté par les mots que tu m’écris
espanté qu’aujourd’hui soit déjà si tard et que la nuit va remplacer
la monotonie du ciel par du noir
rasséréné quand je croise le copain qui a repris du poil de la bête et travail sur son solo avec le sourire
dégoutté qu’il faille autant se battre pour que la justice ferme pour
deux semaines le CRA de vincennes après 3 cas de covid chez les enfermé.es et en quinzaine chez la police et que cette bataille menée en dernier recours par le syndicat des avocats de france et le GISTI ne soit que victoire temporaire car les frontières existent toujours ainsi que les cra
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tu verrais ma sauge elle est belle
j’ai une belle rose rose
j’ai pas à m’plaindre pour le confinement
ça va
d’accord mamie
bonne nouvelle
on peu manger des glaces fraiches des repas ouvriers le midi
et de pizzas chaudes
et hier devant le magasin tout-pour-la-piscine une queue mon pauvre ami …
et et et et et et
y a un truc dans l’air
à quel moment on saura de quel coté ça va pencher tout cette coufinade ?
c’est aussi pour ça
se réunir
fallait voir cette bande dans la cours extérieur d’un atelier
assise en grand
ça prend un espace considérable une douzaine d’humains assis
qui joue le jeu de la distanciation sociale
les masque tombent au fur et à mesure
on s’entend de mieux en mieux
il y a des voix qui portent loin
d’autres vers lesquelles il faut se pencher
presque cueillir les mots
le son est mat
rien ne s’oppose à l’écho plein du plafond ciel
est-ce que l’écho vide aura raison d’un local de lutte ?
fatigue de l’argent
politiser le confinement
transformer des inquiétudes individuelles face à nos loyers
en une parole collective
par immeuble rue ou quartier
par pays
ça veut dire quoi être un collectif et ne plus pouvoir se voir
une compagnie et ne plus se voir
un groupe de parole de musique de clounes et ne plus se voir
créer du contenu en distance
se rencontrer en cachette ensemble
se réunir
même planqué c’est réjouissant
un bébé oiseau après vérification
si il ferme ses paupières diaphanes ne voit pas que tu vérifies si il voit
au travers ses paupières closes
elles ont l’air diaphanes en fait non
il dort
soulève tout son corps rondouillet
pulsation de duvet
le petit oiseau dans le chaud derrière la fenêtre de la fin d’après midi
engouffré dans son goitre plumeux n’a jamais volé
le plan pour lui
c’est de se rendre en haut de la colline pour le live du soleil
et de l’y laisser s’envoler
oiseau pas volé
un humain peut il aider un oiseau à apprendre à voler
un vers à creuser dans le compost
un baleineau à nager en apnée
une fourmis à socialiser
un collectif à repenser son point de départ
ce soir dans deux rues parallèles la même chanson en stéreo
tu sais celle sur les mots bleu d’un chanteur prénom
tout frais mort
enfin
ce soir
nous avons réceptionné l’image de la petite aux mains d’accordéoniste
et ça ça fait chaud au coeur

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le dépenseur des droits
l’observatoire des prisons
la commission nationale consultative des droits de lome
la commissaire des adroits de l’homme
le conseil de l’heurope
la cour ropéenne des droites de l’homme
la contrôleuse générale des lieux de primation des libertés
le conseil nationale des tarreaux
le parti politique des verres
s’indignent
et dénoncent
et rapportent
et publient
et communiquent censés être au moins audibles à ce niveau là de légitimité institutionnelle évidemment les collectifs et militants associatifs les avocats et journalistes les poètes publics les rescapés eux même
documentent et dénoncent depuis longtemps avant la contamination
les gens y meurent depuis que ça existe
les gens meurent parce que d’autres gens les considèrent comme des indésirables
ça revient toujours à ça
résumons enfermer des personnes dans des mouroirs venues faire leur vie en france ça devient gênant même si quelques centres se vident
se ferment le choix d’enferrer et d’expulser
de concentrer pour mieux déporter se perpetue
demain à 12h30 sur radio paris plurielle
y a une émission radio réalisée par une camarade dans laquelle on raconte un peu ce qui se passe en europe
on pourra y entendre des entretiens qu’on a mené via
les cabines téléphoniques des cra la semaine dernière
sur le cétacé endolorit
la lumière n’a pas cillé de la journée
mais la colline a disparu
avalée par la buée errante
que voient les riches de là haut
plus rien !
rêve
se saisir d’une prêle géante à pleine main
lors d’un trajet en petit train entre alsace africaine et bosquet australe
et clamer à qui veut l’entendre qu’elle a au moins 30 ans de vie cette prêle
que cette queue de cheval est un dinosaure !
mon pote rappeur est ministre avec virginie despente
puis les gens viennent assister à une naissance
comme s’il s’agit d’un rendez vous fixé longtemps à l’avance
au jour prés
ce n’est pas une rendez vous c’est une rencontre
la mort disparait le corps
naitre est épiphanie ordinaire mais solide
consistance de l’apparition
si rotterdame était en méditerranée
ce serait aujourd’hui

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je sais qu’il ya un pays où la mer se retire
des plages qui apparaissent à la force du reflux
et où les nuages font verdir les dunes et
les éclaircis pousser des euphorbes arc en ciel sur le dos crémeux du littoral
la silice est le socle commun à ce pays
la sillice et la vase
il en va de l’écume comme des oiseaux
ils effilochent le regard
à peine le temps de les apercevoir se poser qu’ils s’amenuisent à contre jour
des bulles de sables éclatent sourdement dans les gosiers non humains de l’estran
puis tout contre la nuit à nouveau dénudée les symphonies limicoles hantent
la grève

ce matin nous étions loin de ce pays le figuier et moi
une friche coincée entre la gare et une marina pour yacht
des chais à vin squattés par des sans abris polonais jouxtant des succursales obscures de commerce international
coté quai l’épave flottante du rio tagus
derrière ce bâtiment flottant plein d’amiante
le cra vidé de ses séquestrés
ambiance tropicale sous cette bruine tiédasse
mais en place de ficus géants ou autre papayes endémiques
je foule aux pieds
de l’anacycle en massue
du rapistre rugueux
du plantain en spirale
des becs-de-grue-maritime
des chardons
des urospermes de dalé
du laiteron délicat
et
posé sur son glacis de béton
les troncs luisants
un figuier majestueux
autel entrelacs aux dons hétéroclites
cannettes des bières forte
culottes en coton
bombes de peintures oxydées
les flics n’auront pas l’idée de venir nous empêcher de faire une partie de foot géante ici
si ?
qu’est-ce qu’on est sages quand même

je sais qu’il y a un paysage nommé estran
d’où partirent les bateaux négriers descendant à vide vers l’Afrique de l’ouest
remplissant les cales de bois arrachés aux foret
et arrachant des hommes des femmes et des enfant
auxquels ils enchainèrent les pieds
deux à deux
poussés dans la cale pour une traversée transatlantique de
plusieurs semaines
marchandises non humaines et humaines mais marchandises avant tout
ces côtes atlantiques où furent ériger le code noir
où furent ériger des villes portuaires grâce à la domination totale d’humains blancs sur d’autres humains
et ce pendant des siècles
je sais que c’est là le pays où la mer se retire et revient
et c’est là
d’où je viens
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écouter la pluie tomber
deviner la trajectoire des gouttes du plafond vers le sol
mettre une casserole rouge sous une des fuites venant du plafond
remplir des seaux d’eau de pluie sur le terrasse
attendre encore un mois pour jouer avec l’enfant en dehors du ventre
jouer avec l’enfant dans le ventre
dormir dans l’après midi
écouter la polyphonie de la bouilloire
esquiver le café
renoncer à aller derrière les rideaux de la boutique boire un café
confondre dix fois de suite pique le hérisson et triste sa chanson
reconnaitre que la pluie est un peu plus oblique que ce matin
peupler les insomnies
se réjouir pour l’ami qui attend dans l’écluse du canal de panama
soutenir de loin les manifestations en belgique de 60 personnes sans papiers
« Nos demandes à l’égard du gouvernement fédéral sont simples
Nous réclamons une reconnaissance de l’État belge de notre existence dans ce pays depuis des années : nous voulons être régularisés. La régularisation des sans-papiers dans la situation actuelle est nécessaire et urgente.
-Nous demandons aussi la libération et la régularisation des détenus dans les centres fermés.
Nous lançons également un appel aux citoyens qui soutiennent notre cause : nous leur demandons de réagir avec nous et de dénoncer cette situation inacceptable. »
n’en plus pouvoir du dedans et monter dans la colline dehors
chemin de la montmorencette
chemin des asphodèles
chemin des mures
chemin des pierres blanches
chemin de la huitième station et du midi
impasse de la baraquette
chemin de la chabanette et de la mogeire
et enfin
chemin du phare
personne
la mer qui se dresse à la verticale en pure continuité avec le ciel
ton sur ton
comment l’oeil fait il pour s’apercevoir de la supercherie
pourquoi s’habitue t on aussi vite à la force d’un paysage
aperçu au détour du coin de l’oeil c’est à ce moment que le panorama nous surprend le plus
puis très rapidement le cerveau ré-assamble l’illusion
pour le faire rentrer dans l’ordre des choses
par la force de l’ordre
les forces de l’ordre
ces deux dernières nuits se sont affrontées à des habitantEs
de quartiers populaire
qui en ont plus que marre de se faire taper sur la gueule ou tuer par les flics
d’une manière générale opprimer
et ce dans impunité totale
la nuit est là
les gouttes
gouttent
